Merci encore à Mr Eric
LANCELOT de nous avoir envoyé ce texte. Il l'a recomposé à partir d'un article
sur le site http://histoire.vitry94.free.fr/divers-ind.htm,
qui relate lhistoire de ce chantier et de son fondateur.
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Chauvière
LUCIEN CHAUVIERE Fabricant d'hélices pour avions
Lucien Chauvière est né à Paris le 11 février 1876. Elève de l'école
des Arts et Métiers d'Angers, il en sort ingénieur en 1894. Sa carrière est liée
d'abord à l'aviation, ce qui ne l'empêchera pas de construire des canoës et bateaux de
course. La fin du XIX ème siècle et le début du XX ème voient la naissance des
aéroplanes.
En 1904, après des études théoriques sur les hélices aériennes, qu'il avait faites
aux Arts et Métiers, il entreprend des essais pratiques. En 1905, il réussit à mettre
au point et à fabriquer une hélice en bois laminé de 5 mètres de diamètre pour le
ballon dirigeable "Clément Bayard", piloté par Capazza. Dès sa première
sortie, le record de vitesse est battu. Ce type d'hélice équipera par la suite d'autres
ballons dirigeables. Le premier aviateur à monter une hélice Chauvière en bois sur un
aéroplane est Alfred de Pischoff, en 1907.
Lucien Chauvière perfectionne la fabrication et utilise des planches de bois
contrecollées. Il dépose le brevet de son invention sous la marque "Hélice
Chauvière". Le 25 juillet 1909, à 4 h 35, Blériot décolle du sol français avec
son avion "Blériot XI", à moteur Anzani, traverse la Manche et se pose en
Angleterre à 5 h 12. Son avion, comme beaucoup d'autres, est équipé d'une hélice
"Intégrale" Chauvière.
A la suite des succès obtenus par ses premières hélices, succès dus à
la qualité de leur fabrication scientifique et soignée, Chauvière ouvre des usines en
France, en Allemagne et en Russie. Tous les constructeurs pionniers d'avions et de moteurs
d'avions utilisent ses hélices car, en dehors de leur bonne qualité, il y a toujours un
stock disponible. En 1910, la société Chauvière vend plusieurs centaines d'hélices.
Son adaptation au moteur rotatif "Gnome" la rend indispensable aux différents
aviateurs avides de battre des records.
Au tout début du siècle dernier, les hélices étaient taillées dans des blocs de
bois assemblés sur un moyeu construit à part et ayant un angle d'attaque constant.
D'autres étaient fabriquées en acier mais, les vibrations du moteur pouvaient entraîner
des modifications moléculaires dans la texture du métal et de fréquentes ruptures. Par
contre, le bois n'était pas sujet à ces modifications et surtout, sa densité était de
quatorze fois moins que l'acier.
Les premières hélices en bois étaient donc fabriquées en un seul morceau. Le
procédé de fabrication était compliqué. Il fallait les tailler dans un bloc de grosse
épaisseur pouvant contenir des défauts cachés susceptibles de compromettre la solidité
de l'hélice. De plus, le bois présentait des différences de densité, pouvant aller
jusqu'à 20%, entre les parties proches du pied de l'arbre et les parties proches de la
fourche. Ces différences de densité rendaient difficile l'équilibrage de l'hélice et,
si l'on voulait diminuer au maximum les risques de déformation, il fallait utiliser des
arbres, du noyer, d'au moins 75 ans d'âge.
Pour palier à ces inconvénients, Chauvière eut alors l'idée de
juxtaposer et de coller une série de lames disposées en éventail, en ayant soin
d'alterner la partie la plus lourde du bois avec la partie la plus légère, tantôt à
gauche, tantôt à droite du moyeu. Ce procédé, outre les facilités qu'il donne à
l'équilibrage de l'hélice, permet également un examen rigoureux du bois en ce qui
concerne la qualité, l'homogénéité du séchage, ce qui supprime en grande partie les
causes de déformation. La difficulté de réaliser l'hélice en plusieurs lames résidait
dans le choix de la colle. Chauvière crée un laboratoire destiné à étudier les
différentes essences de bois susceptibles de pouvoir entrer dans la fabrication des
hélices ainsi que celle des colles et vernis.
Les recherches sur les colles amènent de rapides résultats. Celles à base de
caséine sont abandonnées au profit de colles à base de gélatine d'os ou de peaux, ou
encore à base d'acétone, cette dernière apportant une résistance au collage cinq fois
supérieure à la caséine. De plus, pour résister aux décompositions d'ordre
microbiennes de la colle, chaque lame de bois est enduite de formol avant assemblage. Le
collage est si parfait que que le procédé Chauvière de planches multiples et collées
donne des résultats supérieurs à ceux de blocs de bois uniques.
Des essais d'entoilage d'hélices avaient été faits dès 1909. Il
s'agissait d'augmenter la protection contre l'humidité et d'augmenter également la
solidité de l'hélice. Ils ne furent pas concluants car si la solidité était renforcée
en cas de choc, la rupture des pales se faisait près du moyeu et leur projection
détériorait le moteur. En cas de même choc, une hélice non entoilée se brisait en
"mille" morceaux vers les extrémités des pales, ce qui n'occasionnait en
général aucun dégât au moteur. De plus, une nouvelle laque chinoise appliquée sur les
hélices en bois collé offrait une protection égale si non supérieure à celle du
tissu. Non seulement l'emploi de cette laque fut codifié, mais Chauvière fit venir des
équipes de chinois pour l'appliquer.
Il ne se contenta pas seulement de mettre au point la fabrication de ses
hélices, mais il en étudia également leurs profils pour qu'elles puissent avoir le
meilleur rendement. L'hélice "Intégrale" avait des formes arrondies dans ses
extrémités ce qui permettait de supprimer les remous et d'augmenter les performances.
Son bord d'attaque était courbe, ce qui évitait les déformations du pas de l'hélice.
En 1912-1913, plusieurs milliers d'hélices furent vendues en Europe et aux États
Unis. La production était variée, de 2 mètres à 3 m 50 de diamètre, avec des pas
adaptés à chaque moteur, un stock permanent de 800 hélices et, ce qui était important,
un prix de vente inférieur à celui de la concurrence. Le 28 août 1913, Lucien
Chauvière reçoit la Légion d'Honneur.
Il s'intéressa aussi aux avions Il en construisit un à titre expérimental. C'était
un biplan de 6 m 50 d'envergure et de 8 m de longueur. Il était muni d'un moteur de 24
chevaux entraînant bien entendu une hélice "Intégrale". Cet appareil offrait
quelques innovations. Les ailes formaient une espèce de losange qui se rapprochaient à
leur extrémité, tandis que leur écartement était maximum au centre. L'aviateur était
assis très bas, immédiatement en arrière des deux roues porteuses situées en avant. Le
contreventement de la cellule était assuré par des montants en bois triangulés dans les
plans parallèles à l'axe de l'appareil, mais très oblique sur la verticale. Le moteur
était situé sur un bâti robuste, un peu en dessous du plan supérieur, il actionnait en
prise directe une hélice à deux pales. Un fuselage triangulaire fournissait l'ossature
centrale de l'appareil qui reposait sur le sol par deux roues. Malheureusement, nous ne
connaissons pas le résultat de ses essais.
Pendant la guerre 1914-1918, les hélices Chauvière se montèrent sur tous les types
d'avions. Environ 100 000 hélices en bois furent fabriquées et Chauvière équipa le
quart des besoins des armées alliées. Les trois autres quarts demandèrent le concours
de 55 autres constructeurs.
Après le conflit, les progrès de la métallurgie permettent de mettre au
point des alliages d'aluminium, en particulier le duralumin. Cette matière étant
susceptible de pouvoir servir à la construction d'hélices, Lucien Chauvière prend des
brevets concernant des hélices en duralumin forgé. Il conçoit et fabrique une machine
qui permet de les forger en une seule fois et d'obtenir les même pales aérodynamiques et
les mêmes pas que celles en bois.
Cette nouvelle hélice va permettre de battre des records du monde. Le premier mars
1931, les aviateurs Bossoutrot et Rossi, sur un avion Blériot-Zappata battent le record
du monde en circuit fermé. Ils envoient un télégramme aux Hélices Chauvière ainsi
libellé. "Sommes heureux de vous féliciter et remercier pour la qualité de
rendement et de robustesse de votre hélice métallique qui compte plus de trois cents
heures de vol, dont deux cent trente cinq en tentatives contre les records de durée et de
distance que nous venons de porter respectivement à 75 heures 23 minutes et 8 805
kilomètres malgré une tempête durant les trente dernières heures."
Lucien Chauvière comprend que les avions devenus plus lourds et plus rapides ont
besoin d'hélices plus efficaces que celles à pas fixe utilisées jusqu'à maintenant.
Les avions doivent décoller plus vite, prendre rapidement de l'altitude et se poser sur
de faibles distances. Il étudie alors une hélice munie de pales orientables pouvant
changer de pas à tout moment, au gré du pilote, soit pour les vols en haute altitude ou
encore pour servir de frein puissant lors de l'atterrissage, par inversement des pales.
Lors d'un concours organisé par le Ministère de l'Air, en 1935, pour une hélice à pas
variable, il est le seul, parmi treize concurrents, à remplir les conditions difficiles
qui étaient imposées. Il remporta non seulement le premier prix mais aussi le Grand Prix
Scientifique de l'Air décerné par un jury présidé par M. Rateau, membre de l'Institut.
Tout en étant axé sur la fabrication et le perfectionnement des hélices
d'avions, Lucien Chauvière a su s'intéresser à d'autres domaines, la fabrication de
canoës et de bateaux de course. Ainsi, en 1934-1935, il construit dans son usine de
Vitry, d'après les plans de l'ingénieur Galvin et pour M. Picquerez, patron des
établissements Técalémit, un bateau de haute compétition, le "Rafal", long
de 8 m 40, large de 2 m 53 et pesant 3 tonnes. Il est entraîné par un moteur
"Hispano-Suiza" de 1 000 chevaux et de 36 litres de cylindrée. En juillet 1935
il est présenté aux épreuves nationales de Paris, et bat le record du monde de vitesse
sur le lac de Genève, en 1938. Les 212 km/h ne seront pas homologués. En raison de la
guerre 1939-1945, le bateau ne prendra plus part à aucune compétition et, après de
multiples pérégrinations, on le retrouve aux États Unis en 1968. Vendu aux enchères,
la Société Hispano-Suiza aurait bien voulu l'acquérir, mais la hauteur des enchères
dépassait le budget prévu. C'est à un collectionneur anglais qu'il fut adjugé.
Lucien Chauvière était non seulement un savant que toutes les techniques
intéressaient mais aussi un grand voyageur. Son nom était non seulement connu et
respecté dans les milieux aéronautiques en France, mais aussi à l'étranger. Il était
Officier de la Légion d'Honneur et Commandeur de l'Ordre du Mérite pour la recherche et
l'invention. Bien qu'il eut 90 ans au moment de sa mort en 1966,il travaillait encore aux
problèmes de l'aéronautique et envisageait des "trains aériens", recherchant
les moyens de les contrôler et de les freiner à l'atterrissage.
Documentation: Musée de l'Air et de l'Espace, au Bourget Association Yachting
Héritage, à Paris. Archives municipales de Vitry sur Seine. Archives de la Société
d'Histoire de Vitry sur Seine